10 février 2022 /Analyse / opinion

Covid, consommation, et après ?

LHM études marketing
Comportements de consommation post-covid : quelles adaptations ?

L’épisode covid a déjà bien modifié nos comportements, et on peut se demander dans quelle mesure ces adaptations, que certains appellent déjà des nouvelles tendances, resteront ancrées ou au contraire retrouveront leurs formes pré-covid, une fois la crise dissipée.

À la suite du colloque « Consommation et Covid-19 : déformations ou transformations ? » proposé par le Cercle de L’ObSoCo vendredi 26 nov., et qui a apporté des éléments de réflexion forts intéressants sur ce sujet, j’ai eu envie d’en partager quelques éléments saillants, que je me suis permis de compléter par des réflexions et interprétations personnelles.

 

Entre idéaux et contraintes

On pourrait décrire nos comportements comme étant un compromis entre ce que nos ‘idéaux’ nous incitent à poursuivre (nos valeurs et principes, aspirations, besoins et désirs) et les contraintes qui nous freinent ou nous en empêchent. Notre vie est ainsi un chemin qui se dessine pas à pas entre ces idéaux et ces contraintes, en essayant à chaque instant d’optimiser notre satisfaction et de minimiser les frustrations.

Or, le jeu de contraintes s’est fortement modifié depuis le début de la pandémie. Nous avons donc été forcés d’y adapter nos comportements. En période de tension, nos attitudes et attentes ont également tendance à s’ajuster pour limiter les dissonances.

 

Les comportements et attitudes

Depuis un an et demi, on a pu observer l’apparition de nouvelles attitudes et de nouveaux comportements, mais dont les trajectoires futures ne sont pas tracées :

    1. Un effet accélérateur de certaines tendances déjà émergentes avant la crise (achats écoresponsables, hyper-numérisation de nos vies et du travail, le « faire soi-meme », la mobilité douce, le sport à la maison)
    2. L’expression de nos doutes vis-à-vis de la performance de notre système ; le constat brutal que notre système est bien plus fragile que l’on imaginait, notamment en occident, et que nous sommes vulnérables
    3. Le repli sur soi à toutes les échelles :
      …. Échelle nationale : frontières et restrictions de voyage, sensibilité souverainiste.
      …. Échelle locale : l’ancrage local, les effets de proximité : achat de produits locaux, attention pour les commerces de proximité, touristification des lieux ordinaires.
      …. Domicile : on finit par apprécier le temps passé à la maison, en sécurité, on refait son nid.
      …. Soi-même : la santé, le bien-être individuel, le sport à domicile.
    4. Un sens accru de la responsabilité sociale et sociétale de consommation : consommation bio, écolo, local, … Cela dit, certains signaux faibles semblent suggérer que la sensibilité environnementale ne se serait pas renforcée autant que l’on aurait pu penser, ou au moins qu’elle se trouve plutôt en concurrence avec une montée des envies sécuritaires et identitaires.
    5. Le désir d’autre(s) chose(s) : une autre vie, d’autres lieux, un autre rapport travail / vie personnelle, de nouvelles utopies.
    6. En parallèle, avec des causes indépendantes de la covid : nos réactions à l’urgentisation de l’urgence climatique. Cet effet épaissit la soupe et rend la lecture des phénomènes plus difficile.

 

Les nouveaux comportements, peuvent-ils se pérenniser ?

Ces effets et comportements peuvent se pérenniser lorsque …

  • Des paramètres structurels sont modifiés (de nouvelles contraintes permanentes)
  • Nous avons eu le temps d’adopter et d’ancrer de nouvelles habitudes, surtout si on y trouve de nouveaux bénéfices. Plus une crise est longue et/ou profonde, et plus ces effets d’adaptation peuvent être durables après la dissipation de la crise.
  • Pendant la période de crise, le temps étant ‘suspendu’, l’individu se pose, mène une réflexion introspective et prospective, et peut dans certains cas revoir la hiérarchie des priorités pour imaginer une nouvelle vie, un nouveau sens.

 

Temporaire ou durable

En arrière plan, il y a bien évidemment les contraintes fortes sur la mobilité, censées être temporaires, mais on constate également depuis un an et demi des modifications structurelles, potentiellement durables. Par exemple :

  • De nouvelles offres e-commerce ont fait leur apparition
  • L’institutionnalisation du télétravail et les nouveaux outils de productivité. (Par ailleurs, le télétravail modifiant les contraintes, ceci a libéré chez certains ce vieux désir latent de transition résidentielle, d’aller vivre ailleurs.)
  • De nouvelles offres de mobilité douce : trains de nuit, vélos électriques et aménagements pour vélos …
  • Sur un autre plan, l’urgence climatique qui devient de plus en plus visible à l’œil nu.

 

Pérennisation … mais presque

Il y a cependant peut-être quelques réserves à avoir sur la durabilité de certaines offres qui apparaissent aujourd’hui comme structurelles :

  • Le redéploiement des trains de nuit par exemple pourrait se retourner lorsque l’accessibilité et la performance des voitures électriques se seront améliorées.
  • Les retrouvailles avec le monde physique et avec les gens, et la dissipation des peurs sanitaires, peuvent ramener les consommateurs dans les lieux physiques d’achat ou de consommation, et bien évidemment vers le voyage international.
  • L’appétence pour la transition résidentielle peut se refroidir, lorsque la demande aura poussé les prix de l’immobilier vers le haut ou d’autres contraintes seront revenues.
  • Le désir d’un autre rapport au travail peut être rappelé à l’ordre lorsque la réalité du marché du travail et d’une économie sans aides publiques aura repris ses droits, avec peut-être de nombreuses faillites qui en résulteront.

L’économie dans la phase de résilience peut encore réserver des surprises, bonnes comme mauvaises (on observe déjà des effets sur l’approvisionnement et une inflation, censés être temporaire).

 

Quelle lecture ?

Il est donc prudent de considérer que les adaptations que l’on observe aujourd’hui ne se transforment pas forcément toutes en tendances permanentes.

Tout est une question de mesure : ce n’est pas ‘oui ou non’, mais ‘combien et qui’.

On observe ainsi facilement qu’une partie de la population résiste à ces nouvelles contraintes : déni de la gravité de la crise, difficultés causées par le télétravail, refus des mesures sanitaires, ruée sur les fast-food à la sortie du premier confinement, Rave Party ou autres fêtes clandestines en plein confinement ou couvre-feu, Revenge-Everything, etc.

Il ne faudrait par ailleurs pas oublier qu’entre contraintes et ‘idéaux’ se situent également nos peurs, ainsi que tous les mécanismes qui régissent sous la conscience nos comportements, dont les effets liés à la socialisation, et dont également la (trans)formation de nos imaginaires.

Personne ne peut ainsi prédire comment il.elle se sentira et comment il.elle réagira une fois que (et si) l’ensemble des contraintes se trouvent à être levées dans six mois, un an, deux ans, …

 

Opportunités et innovation : on apprend sur la cible

Mais les innovations, les nouvelles offres, les nouvelles règles constituent également de nouvelles propositions de valeur qui, par vulgaire opportunité, permettent aux entreprises et aux institutions « d’apprendre sur la cible ». On a vu apparaitre des propositions forcées que l’on n’aurait pas osé formuler hors crise, par ex. le télétravail généralisé à cette échelle. Il s’agit d’une proposition institutionnelle qui est accompagnée d’une formidable nouvelle offre commerciale d’outils digitaux de productivité : c’est du Growth Hacking massif !

D’ailleurs, il suffit de retourner dans l’Histoire récente pour vérifier à quel point les crises les plus atroces ont également produit des collections spectaculaires d’innovations.

Pensée finale (et un peu naïve) : il faut rester positif, même si ça commence à faire long. J’espère que ces réflexions vous aideront à patienter encore un peu …

 

Chambéry, le 29 novembre 2021.

 

 

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